AU QUÉBEC…

QU’EN EST-IL AU QUÉBEC ?

Il serait trop long de retracer le parcours quelquefois imprécis que prend l’affirmation du concept de laïcité dans le parcours historique du Québec. Mais soulignons l’importance des changements se manifestant dans notre société dans les soixante dernières années. Car deux tendances importantes s’y manifestent. D’une part, la déconfessionnalisation des institutions publiques. D’autre part, le mouvement d’émancipation des femmes accompagné par la recherche d’une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.

Au moment de la fondation du Mouvement laïque de langue française le 8 avril 1961, 40% des religieux travaillent dans les hôpitaux, les écoles et les services sociaux. C’est l’année où débute le processus de réforme du système de l’éducation au Québec avec la création du Ministère de l’Éducation, du Conseil supérieur de l’éducation et l’établissement d’un réseau de polyvalentes. En 1997 est parachevée la laïcisation des écoles publiques avec le remplacement des commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques. Parallèlement, d’autres enjeux comme l’homosexualité et le droit à l’avortement font leur chemin vers une plus grande libéralisation.

Cependant, ces nombreux pas franchis par une affirmation graduelle de la laïcité ne signifient pas que le Québec soit une société laïque puisque la traduction de ce concept dans une forme juridique n’existe pas. Cette situation pose deux problèmes. D’abord, la société québécoise ne peut s’identifier à cette valeur humaniste et y adhérer consciemment et collectivement. Ensuite, en droit, la notion de laïcité ne peut être un référent dans l’interprétation des libertés et des droits individuels puisque inexistante.

LE QUÉBEC… DIFFÉRENT !

La compréhension de la laïcité au Québec ne peut se faire sans ignorer le caractère distinct de la société québécoise. L’une des provinces fondatrices de la Confédération de 1867, le Québec se distingue par sa majorité francophone, par l’application du Code civil français (au contraire du Common Law britannique dans le reste du Canada) et par son attachement à la notion de séparation de l’Église et de l’État, principe démocratique propre à la tradition française républicaine.

Cette situation d’une laïcité inachevée et de l’absence de règles citoyennes claires qui auraient pu en découler plonge le Québec dans une période de turbulence dès le début des années 1990. Montée des fondamentalismes religieux et augmentation des flux migratoires caractérisent cette nouvelle ère. Connue sous le vocable de « crise des accommodements raisonnables », cette période voit les tribunaux saisis cde différentes causes où l’invocation du recours à la liberté de religion par des minorités revient souvent pour justifier des demandes à caractère religieux apparaissant inacceptables aux yeux d’une majorité de la population québécoise. Car la société d’accueil s’est battue avec succès pour éliminer la présence du religieux dans les institutions de l’État et elle se bat toujours pour l’égalité entre les hommes et les femmes, principe dénié par plusieurs pratiques religieuses

Redevables face aux citoyens d’une politique plus claire sur ces questions d’accommodements, de  signes religieux et de laïcité, les divers gouvernements en place tentent de trouver des solutions acceptables aux yeux de la population. La Commission Bouchard-Taylor, mise en place en 2008 par un gouvernement libéral pour faire le point sur les pratiques d’accommodement raisonnable, débouche sur un ensemble de recommandations inspirées du multiculturalisme et mettant notamment de l’avant le concept de laïcité ouverte décrié par plusieurs opposants. Suivent, entre 2010 et 2015, divers projets de loi, tant des gouvernements du Parti libéral du Québec que du Parti Québécois, dont aucun ne débouche sur une application concrète.

C’est en 2018, lors des élections québécoises d’octobre, que l’arrivée au pouvoir de la Coalition Avenir Québec remet clairement de l’avant le concept de laïcité et sa traduction juridique par le gouvernement québécois. Il en résulte la présentation du projet de loi n° 21 : Loi sur la laïcité de l’État, adopté en 2019 par l’Assemblée nationale du Québec.

LA LOI SUR LA LAÏCITÉ DE L’ÉTAT (dite loi 21)

 

Grâce à cette loi, la laïcité est enfin reconnue comme un principe fondamental de la nation québécoise. En effet il est proclamé, dès le premier article, que l’État du Québec est laïque. La Charte des droits et libertés de la personne est modifiée. Il y est maintenant affirmé que les libertés et droits fondamentaux doivent s’exercer dans le respect de la laïcité de l’État.

De plus, le préambule de la Loi énonce son objet comme étant « de consacrer le caractère prépondérant de la laïcité de l’État dans l’ordre juridique québécois ». Rappelons-nous à cet égard que le Canada, lui, s’appuie sur deux principes opposés, soit la suprématie de Dieu d’une part et la primauté du droit et des décisions des juges d’autre part.